ÉLECTROCHIMIE ET ÉLECTROLYSE

ÉLECTROCHIMIE ET ÉLECTROLYSE
ÉLECTROCHIMIE ET ÉLECTROLYSE

L’électrochimie décrit les relations mutuelles de la chimie et de l’électricité ou, mieux, des phénomènes couplés à des échanges d’énergie électrique. Ainsi, la presque totalité de la chimie, du fait de l’importance de la distribution et de la variation des charges électriques dans la matière, peut relever peu ou prou de l’électrochimie.

Prise au sens le plus large, cette science ne peut apparaître comme une discipline spécialisée. Elle est de plus en plus de nature interdisciplinaire et comprend les transferts d’électrons à travers les membranes en chimie et en biologie, la formation et le comportement des matériaux, le stockage de l’énergie, les sciences de l’ingénieur, la synthèse, etc. En d’autres mots, la connaissance de l’électrochimie sera nécessaire à la compréhension des phénomènes à l’intérieur de phases le plus souvent à conduction ionique et des interphases qui leur sont associées.

L’électrolyse apparaît, quant à elle, comme la mise en œuvre d’une réaction non favorisée sur le plan thermodynamique et impliquant le transfert d’électrons au moyen d’un courant électrique. Dans ces conditions, une cellule d’électrolyse – ou électrolyseur – peut être considérée comme équivalente à une pile mais, dans ce cas, le courant est inversé à l’aide d’un générateur externe.

1. Électrochimie

Classiquement, on convient de scinder l’électrochimie en deux sous-disciplines apparemment distinctes. Tout d’abord, l’électrochimie peut décrire les phénomènes de transport de charge et de matière ainsi que les réactions chimiques associées à une interface entre un conducteur ionique et un conducteur électronique. Cela constitue l’électrochimie dite aux électrodes ou électrochimie cinétique . Le potentiel électrique pris ou imposé à chacune des électrodes implique vis-à-vis de l’électrolyte et des produits chimiques ou ions associés des transferts de charge ou d’électron. Ce transfert de charge provoque donc, ipso facto, une perturbation de la nature chimique de l’interface.

D’autre part, l’électrochimie dite ionique a pour but essentiel l’étude des solutions électrolytiques. Les réactions sont souvent négligées et on ne prend en compte que les états d’équilibre. Cette discipline, appelée également thermodynamique des solutions électrolytiques , tente donc de décrire plus parfaitement l’état d’équilibre électrostatique de particules dissociées, donc chargées, associées le plus souvent à un réseau hôte rigide (électrolytes solides) ou mobile (cas des solutions de sels minéraux dans l’eau).

Le fait d’associer sous le même vocable «électrochimie» l’étude des réactions de transfert de charge à des interfaces conductrices et celle des équilibres des ions en solution peut paraître curieux. Cela découle d’une tradition vieille de plus d’un siècle, puisque la dissociation des électrolytes en ions semblait devoir découler du passage du courant électrique. De fait, la notion d’électrochimie repose sur la connexion d’au moins deux phases conductrices, l’une électronique (électrode), l’autre ionique (électrolyte liquide le plus souvent).

Les développements

L’électrochimie semble avoir, en raison de sa nature pluridisciplinaire, une histoire complexe. Citons d’abord l’expérience célèbre de la grenouille disséquée par Luigi Galvani en 1791: le nerf mis en contact avec un influx électrique produisit de fortes contractions du muscle, c’est l’électricité «animale». Le début du XVIIIe siècle est marqué par la première pile électrique d’Alessandro Volta, puis par l’établissement des lois de rendement électrique par Michael Faraday: une quantité d’électricité de 96 500 coulombs (ou 1 faraday) correspond au changement de valence minimum d’un ion métallique. Des expressions thermodynamiques donnant les potentiels d’équilibre électrochimique (loi de Nernst) et la première loi cinétique, droites de Tafel, exprimant la surtension en fonction du logarithme du courant font avancer grandement la connaissance des transferts d’électrons aux interfaces (début du XXe siècle). Durant la même période, des progrès considérables sont réalisés sur la connaissance de l’interface (isotherme d’adsorption de Gibbs, couche diffuse de Gouy-Chapman), de la solution électrolytique (lois de la diffusion par Fick et de la dissociation des électrolytes selon Svante Arrhenius et Wilhelm Oswald). Le XXe siècle est surtout marqué par la naissance de théories sur les phénomènes en solution – interaction réciproque des ions, théorie de Petrus Debye et Erich Hückel – et celle des transferts de charge sur électrode métallique: cinétique des transferts électroniques, coefficient de transfert, activation des processus d’oxydoréduction. Actuellement, l’utilisation de nouveaux électrolytes (solvants dipolaires aprotiques) et de nouveaux types d’électrodes (ultramicroélectrodes) contribue à une meilleure connaissance des mécanismes élémentaires concernant, par exemple, les molécules d’intérêt biologique, elles-mêmes impliquées dans les réactions d’oxydoréduction, donc dans le transport d’électrons et d’ions à l’intérieur des membranes et des tissus vivants.

Les bases de l’électrochimie thermodynamique et cinétique

Notion de transfert de charge

Il est bien établi que la réaction chimique fait, en général, intervenir des transferts d’électrons soit par paire – attaque d’une entité possédant un doublet d’électrons tel un nucléophile –, soit par unité – transfert monoélectronique. Ainsi, certains métaux fortement donneurs d’électrons, par exemple le lithium, ou certaines molécules organiques riches en électrons peuvent être spontanément réducteurs . D’autres molécules ou ions sont au contraire accepteurs, c’est-à-dire oxydants .

Cette capacité d’être donneur ou accepteur caractérise une des entités vis-à-vis de la molécule ou de l’ion antagoniste. Par exemple, le tétrathiafulvalène (T.T.F.) est fortement donneur vis-à-vis de la tétracyanoquinodiméthane (T.C.N.Q.), résolument acceptrice, et les échanges d’électrons correspondants permettent la formation spontanée d’édifices de type ionique donnant des matériaux caractéristiques.

Par contre, le T.T.F. ne peut réduire l’anthracène, pas plus que la T.C.N.Q. n’a la possibilité d’oxyder la triphénylamine. La réactivité des donneurs vis-à-vis des accepteurs (ou inversement) peut être prévue par la connaissance de grandeurs thermodynamiques (telles que G, variation de l’enthalpie libre) des réactions équilibrées élémentaires vis-à-vis de l’électron:

Cette réaction constitue un exemple de transfert d’électron homogène en solution.

De façon tout à fait similaire, un métal plongeant dans une solution de composé réductible peut donner lieu à une réaction de transfert d’électron. Cette réaction de transfert d’électron, ici hétérogène, sera facilitée par le fait que le métal est le plus donneur possible. Les métaux alcalins (lithium, sodium, potassium) sont connus pour leurs propriétés réductrices et sont à la base de beaucoup de réducteurs chimiques utilisés en chimie organique de synthèse.

Potentiel électrochimique à l’équilibre

Une étape importante de l’électrochimie aux électrodes apparaît à la fin du XIXe siècle, avec l’établissement par Walther Nernst d’une relation thermodynamique entre le potentiel pris par une électrode et le rapport des concentrations entre deux espèces réversiblement et rapidement transformées l’une en l’autre par transfert d’un ou de plusieurs électrons.

Prenons l’exemple simple de l’équilibre électrochimique réducteur/oxydant bien connu des ions ferreuxerriques en solution aqueuse:

Selon Walther Nernst, le potentiel d’équilibre V pris par une électrode inerte vis-à-vis de couple réducteur/oxydant, par exemple une électrode constituée de platine, et ne donnant elle-même aucune réaction électrochimique dans une large gamme de potentiel, cas d’électrode idéalement polarisée, sera, quand elle est plongée dans une telle solution:

avec F = constante de Faraday, n = nombre d’électrons échangés (n = 1 dans le cas du couple ferreuxerrique), R = constante des gaz parfaits, T = température absolue, E0 = une constante spécifique du système redox et l’indice s caractérisant les concentrations des ions en solution. Dans le cas où les concentrations des ions ferreux et ferriques sont égales, le potentiel d’équilibre prend la valeur caractéristique E0, définie comme potentiel standard du couple électrochimique ferreuxerrique (tabl. 1). La variation du potentiel d’électrode résulte d’une modification des concentrations de l’oxydant ou du réducteur dans la solution, par suite de l’addition d’un réactif. Ce principe est à la base des méthodes potentiométriques, dites à courant nul, d’analyse quantitative.

Organisation électrostatique de l’interphase métal-solution

De fait, la valeur V de l’expression ci-dessus peut être considérée comme le différentiel entre le potentiel pris par le conducteur et le potentiel de la solution. Il y a variation progressive du potentiel entre le métal et la solution dans un domaine d’espace organisé en fonction de la nature du solvant et des ions (le plus souvent solvatés) en présence. Puisque sur une électrode chargée vont venir se disposer préférentiellement des ions de signe opposé, l’interphase peut être comparée à un condensateur. Le modèle (fig. 1) est compliqué par le fait que certains ions à l’état non solvaté peuvent s’adsorber spécifiquement en même temps que des molécules de solvant à la surface du métal. La distance minimale 靖i entre les centres électriques et la surface définira le plan interne d’Helmhotz. Afin que soit assurée l’électroneutralité du volume de l’interphase, les ions solvatés (association de l’ion et d’un nombre plus ou moins important de molécules de solvant) se situent sur la partie externe dans une zone d’approche minimale. Il y a donc réorganisation électrique entre les deux phases liquide et solide. Cette zone intermédiaire de structure souvent complexe peut atteindre plusieurs nanomètres d’épaisseur. Pour des courants non nuls, c’est-à-dire hors équilibre, la transformation d’un couple redox maintenant ajouté à la solution peut contribuer à compliquer davantage la nature de l’interphase, non seulement par adsorption des formes réduites ou oxydées, mais aussi par la modification des concentrations des réactifs participant à la réaction électrochimique; cet espace, dit couche de diffusion, peut avoir quelques dizaines de nanomètres d’épaisseur.

D’une façon générale, on peut considérer que la structure de l’interphase contribue à ralentir les échanges électroniques hétérogènes et complique, par l’existence des flux des réactifs, les réactions électrochimiques et chimiques qui leur sont associées.

Demi-pile et système dit de référence

Décrivons maintenant le cas non plus de couples d’espèces solubles, mais d’un métal M non noble, donc oxydable, plongé dans une solution contenant un de ses cations:

Dans ces conditions, l’équation de Nernst permet de définir un potentiel d’équilibre VM propre au métal M. Ce potentiel dépend de la concentration en cations. Ainsi, l’hydrogène H2, considéré comme le premier métal, dans les conditions normales de température et de pression (25 0C, 1 atm) peut s’oxyder en proton H+ et faire prendre à un conducteur non corrodable (platine associé, en tant que conducteur, à la réaction électrochimique) un potentiel VH2 quand l’activité a de H+ dans le solvant considéré est égale à 1, c’est-à-dire qu’elle est égale à la concentration molaire dans les conditions idéales de non-interaction ionique.

L’électrode ainsi constituée, qui est en fait une demi-pile , est appelée électrode normale à hydrogène, et son potentiel standard est par convention égal à 0. Sa forte polarisabilité – système rapide ou réversible – fait que pour cette électrode une faible variation de potentiel entraîne, ipso facto, une variation importante du courant. Le courant d’échange est élevé et, par conséquent, le potentiel à courant nul est parfaitement défini. Un tel système est utilisable comme électrode de référence:

La jonction de deux demi-piles selon le montage décrit dans la figure 2 permet de globaliser le mouvement des électrons et des ions chargés positivement; leur direction de déplacement est opposée. Par convention, le sens du courant électrique et celui des électrons sont inverses.

Deux cas principaux peuvent se présenter lorsque les potentiels d’équilibre E01 et E02 sont différents et qu’ils dépendent de la valeur de la résistance R:

– Si R est grand, c’est le cas d’un millivoltmètre électronique de haute résistance 108 ohms en série dans le circuit, le système est considéré comme étant en équilibre, le courant I est de l’ordre de 10-8 ampère. Le potentiel de cellule est égal à E01 漣 E02. Si une des demi-piles, par exemple l’élément 2 de la cellule de la figure 2, est constituée par un système de référence tel que l’électrode à hydrogène, le potentiel de cellule sera égal à E01. D’autres systèmes de référence de manipulation moins difficile que l’électrode à hydrogène et de grande stabilité dans l’eau existent; le plus connu est sans doute l’électrode au calomel: Hg/Hg2 Cl2/KCl saturé. Alors que l’électrode à hydrogène est dite du premier type (métal en équilibre avec un de ses ions), l’électrode «au calomel» est du second type (métal en équilibre avec un sel insoluble, lui-même en contact avec l’anion commun à concentration déterminée).

– Si le circuit électrique est de moindre résistance, on dit que la pile débite: le courant devient important. Le comportement des électrodes réelles impliquées dans la pile s’éloigne de celui des électrodes dites idéales , que l’on peut observer plus généralement à faible courant. Le potentiel de cellule sera inférieur à E01 漣 E02, car il conviendra de prendre en compte non seulement la chute ohmique propre à la géométrie de la cellule – résistance de la solution et de la membrane séparative –, mais aussi des surtensions relatives à chaque électrode.

La pile qui est présentée en figure 2 est en régime galvanique. À l’anode (compartiment 1) va se dissoudre le métal le moins noble. Si M1 est le zinc (Zn), la réaction électrochimique est:

Inversement, à la cathode, on assiste à un dépôt électrolytique. Ce type de réaction est spécifique des métaux plus nobles. Dans le cas où M2 est le cuivre (Cu), la réaction de dépôt s’écrit:

Cela revient à dire que la pile assure la transformation:

Cette réaction est favorisée thermodynamiquement, puisque G est inférieure à zéro (tabl. 1).

Il résulte de la convention de l’Union internationale de chimie pure et appliquée (I.U.P.A.C., Stockholm, 1953) que la force électromotrice E est égale en grandeur et en signe au potentiel électrique de la borne métallique de droite, moins celui de la borne similaire de gauche. Cette f.é.m. est reliée algébriquement à la variation d’enthalpie libre de la réaction pour laquelle il se produit une réduction à l’électrode de droite:

par G = 漣 n FE (n = nombre d’électrons; dans cet exemple n = n 1 . n 2, F = constante de Faraday).

Processus de recharge d’un générateur électrochimique. Électrolyse

Il peut être réalisé dans le cas où les processus sont chimiquement réversibles à chacune des électrodes, par l’insertion dans le circuit extérieur d’un générateur de courant constant, branché en opposition et dont le potentiel est au moins supérieur à celui de la tension nominale E. Dans ce cas, la polarité des électrodes s’inverse. Pour ce qui est de la pile Zn/Cu, on peut concevoir que l’inversion du courant rendra possible un dépôt cathodique de zinc sur le zinc et, inversement, une dissolution anodique du cuivre. Il y a donc stockage des électrons dans le métal le plus électropositif, donc le moins noble, sous l’action d’une énergie extérieure [cf. PILES ET ACCUMULATEURS]. Le terme de pile s’applique à un système pour lequel au moins une réaction électrochimique à l’une des électrodes est irréversible. Cet ensemble non rechargeable est donc jetable, alors que dans un accumulateur des réactions aux deux électrodes sont chimiquement réversibles. Les cycles charge/décharge successifs provoquent un vieillissement progressif de l’accumulateur dû à la corrosion inévitable des électrodes.

Il est important de discerner la différence fondamentale entre la décharge – d’une pile ou d’un accumulateur – qui est un processus favorisé sur le plan thermodynamique ( G 麗 0) et le processus de charge, qui est un retour plus ou moins total à l’état antérieur. Dans ce dernier cas, la réaction imposée à chacune des deux électrodes, soit par l’imposition d’un courant (système galvanostatique), soit par celui d’un potentiel électrochimique (à l’aide d’un potentiostat), contrôlé sur une des deux électrodes s’apparente, sinon correspond, à une électrolyse. Dans le processus de charge, la tension à imposer aux bornes de la cellule sera sensiblement plus importante que la force électromotrice (f.é.m.) de la pile, puisqu’il conviendra de prendre en compte la résistance intrinsèque de la cellule, la cinétique des échanges d’électrons aux interfaces souvent limitatifs du processus et du caractère de capacitance et de résistance de la double couche. Les cinétiques de diffusion des espèces prenant part aux réactions redox imposent également des limitations en courant.

Potentiel électrochimique appliqué à une électrode indicatrice non polarisable. Ampérométrie

Une électrode, souvent une microélectrode, non polarisable peut être rendue plus ou moins réductrice ou oxydante par le potentiel qu’elle prend par rapport à une électrode de référence (cellule à deux électrodes). Des dispositifs plus modernes permettent maintenant de disposer de potentiostats où la cellule fonctionne à trois électrodes, l’électrode de référence ne servant ici qu’au contrôle du potentiel électrochimique de l’électrode indicatrice. Toute électrode de ce type plongée dans un électrolyte ne sera traversée par un courant détectable que lorsque le potentiel devient trop réducteur ou trop oxydant, correspondant respectivement à la décomposition cathodique de l’électrolyte ou à l’oxydation de l’électrolyte, qui se traduit par la corrosion du matériau de l’électrode. Lorsqu’un système redox réversible dont le potentiel standard est compatible avec la zone de non-réponse de l’électrolyte est ajouté à la solution, on obtient, en fonction du potentiel pris par l’électrode indicatrice, un courant à l’interface permettant soit la transformation redox (oxydation), soit la transformation oxred (réduction). Les courbes types sont portées sur la figure 3. On notera la transformation réversible redox et l’apparition de plateaux de courant provoqués par la cinétique de diffusion des espèces red et ox vers l’électrode. En régime stationnaire, défini par une faible variation du potentiel imposé par rapport au temps, la forme caractéristique de la réponse redox est une vague. Dans le cas général où les coefficients de diffusion des espèces oxydantes et réductrices sont égaux, le potentiel obtenu pour (i cat + i an)/2 correspond au potentiel standard du couple redox. De telles courbes sont caractéristiques de la nature de l’électrode utilisée: cas de la polarographie, avec une électrode à gouttes de mercure, ou de la voltampérométrie sur disque tournant. Quand la variation, le plus souvent linéaire, de potentiel appliqué par rapport au temps devient plus rapide, le régime est dit transitoire. C’est la méthode voltamétrique qui est généralement cyclique, c’est-à-dire montée puis descente en potentiel et retour au potentiel initial ou inversement. Cette méthode est particulièrement utile dans l’étude de réactions chimiques rapides associées aux réactions de transfert d’électron.

Toute variation de potentiel correspond à une variation de l’intensité du courant et implique une microélectrolyse seulement dans le volume conducteur ionique, situé au voisinage de l’électrode indicatrice. Par contre, il peut être envisagé de réaliser une électrolyse dans un volume fini, permettant, par application de la loi de Faraday, de connaître le nombre d’électrons impliqués dans la transformation redox ou de réaliser des dosages, lorsque le nombre d’électrons mis en jeu est connu. Cette méthode porte le nom de coulométrie .

Connaissance et utilisation des électrolytes

Dans une cellule ou une pile, l’espace séparant deux électrodes de polarité opposée doit être suffisamment conducteur pour que le passage du courant soit assuré. Le courant se propage grâce au mouvement des ions qui se déplacent principalement sous l’effet d’un champ électrique. Ce processus implique au préalable une dissociation suffisante de l’électrolyte dissous dans le solvant choisi. L’eau peut être considérée comme le solvant par excellence, du fait de sa forte constante diélectrique et de son caractère polaire conduisant à des processus de solvatation de chacun des ions (cations et anions) de l’électrolyte. Les solvants organiques utilisés en électrochimie sont essentiellement les solvants polaires (méthanol, acide acétique) et les solvants polaires et dipolaires aprotiques (tétrahydrofurane, dioxolanne-1,3, acétonitrile, diméthylformamide, hexaméthylphosphotriamide, carbonate de propylène).

L’adjonction d’électrolyte MA dans un solvant de constante diélectrique suffisante peut entraîner, selon que l’électrolyte est faible ou fort, la dissociation relative sous forme de paires d’ions ou totale par diminution puis disparition de l’interaction entre l’anion et le cation résultants, qui sont le plus souvent solvatés:

La solvatation, ou hydratation quand l’eau est le solvant principal, est provoquée par l’existence du champ électrique propre à l’ion, dépendant de sa taille et de sa charge. La nature de l’action du solvant sera différente, dans le cas d’ions à charge superficielle élevée (F- ou Li+), pour lesquels la coque de solvatation est stable et celui d’ions plus volumineux (I-, Cl4-, Rb+) à structure électronique externe plus déformable, rendant le processus d’organisation du solvant par rapport à eux-mêmes beaucoup plus aléatoire, voire inexistant.

La dissociation des électrolytes dépend non seulement de la nature des ions en présence mais, entre autres, de la température et du pouvoir dissociant du solvant, c’est-à-dire du caractère polaire lié à la constante diélectrique. Il s’établit, dans des conditions expérimentales bien précises, un équilibre de dissociation: cinétiques de dissociation et de recombinaison égales. Ainsi, l’électrolyte MA (supposé faible: exemple acide acétique) peut être caractérisé par la constante de dissociation Kdiss liée aux conditions expérimentales. Si 見 est la fraction d’électrolyte dissocié pour une concentration C totale en électrolyte, Kdiss peut être définie comme suit:

Cette théorie, due à Svante Arrhenius, permet de distinguer les électrolytes «forts» et «faibles» selon que 見 est supérieur ou inférieur à 0,1. Elle permet d’expliquer l’effet de la dilution sur la conductivité (loi d’Ostwald).

Néanmoins, la connaissance de Kdiss n’est possible que pour des solutions suffisamment diluées. Pour de fortes concentrations, les distances interioniques deviennent faibles et les interactions ion-ion, de type électrostatique, ne sont plus négligeables. Ainsi, un ion tend alors à s’associer à des ions de charge opposée, ce qui a pour effet de dévaluer le niveau d’énergie de chaque ion. Dans ces conditions, la notion d’activité viendra se substituer à celle de concentration des espèces ioniques.

Dans les électrolytes solides, la conductivité n’est plus exclusivement ionique comme dans le cas des liquides. Elle peut être partiellement électronique par mobilité d’électrons ou de trous d’électrons. Dans le cas de cristaux, la conductivité est acquise par la présence de défauts de la maille cristalline qui, seule, rend possible la mobilité des ions. La conductivité est considérablement accrue par la formation de défauts extrinsèques, provoquée par dopage. L’addition dans le cristal d’un composé généralement isostructural permet l’émergence d’une solution solide de substitution. De façon générale, il sera recherché l’apparition de désordres responsables de la mobilité de certains anions ou cations de plus faibles dimensions (F- ou Li+), à l’intérieur d’un réseau hôte rigide. Cependant, dans les électrolytes solides à structure tridimensionnelle, la conductivité reste faible ( 靖 麗 10-3-1 練 cm-1). D’autres structures permettent une conduction, soit selon des plans, par exemple la mobilité des ions sodium dans l’alumine 廓, soit selon des canaux: mobilité du lithium dans certains «bronzes de tungstène» Lix W3 à structure tétragonale ou hexagonale. L’intérêt économique, en vue de la mise au point d’accumulateurs «tout solide», a permis le développement de conducteurs solides amorphes , tels que les verres à base de silice ou certains polymères à conduction ionique, par exemple les polyoxydes d’éthylène pour lesquels la séquence C-C-O permet la «solvatation» d’ions lithium, à l’intérieur d’hélices structurales, selon un continuum qui facilite leur mobilité.

Le développement de polymères conducteurs électroniques formés soit chimiquement (polyacétylène), soit électrochimiquement (polythiophène, polypyrrole, polyaniline) permet la synthèse de nouveaux matériaux dont les applications peuvent, le plus souvent, dépendre des propriétés redox et donc des possibilités de dopage par transfert d’électrons, donnant des métaux organiques, des modificateurs de surfaces ou d’électrodes, de nouvelles membranes, des matériaux d’électrodes dans certains accumulateurs. Ainsi, l’intérêt de l’électrochimie sur les plans théorique et économique est grand (tabl. 2).

2. Électrolyse

L’électrolyseur type est représenté en figure 4, où est détaillé le principe du procédé électrolytique chlore-soude. Il est généralement constitué d’une cuve remplie d’un conducteur ionique liquide, soit un solvant polaire additionné d’un électrolyte, soit un sel fondu, dans lequel sont plongées deux pièces métalliques: les électrodes. Lorsque c’est nécessaire, on peut empêcher le mélange par diffusion ou convection des produits formés aux électrodes ou leur réaction à l’autre électrode, au moyen d’une membrane ou d’une paroi de porcelaine perméable aux ions. La cellule est dans ce cas divisée en deux compartiments: l’un contient l’anolyte constituant le conducteur dans lequel baigne l’anode (signe +) et l’autre le catholyte associé à la cathode (signe 漣).

Les anions migrent vers l’anode où ils se déchargent éventuellement, alors que, inversement, les cations sont attirés par l’électrode de signe 漣, c’est-à-dire la cathode.

L’électrolyse de l’eau

Ainsi, l’eau additionnée d’un sel dissocié correspondant à un électrolyte fort dont les constituants ioniques sont nettement moins réactifs vis-à-vis des électrodes que l’eau elle-même peut être décomposée électrolytiquement:

On remarque que, dans une cellule à compartiment séparé, le catholyte devient progressivement basique par l’accumulation des ions hydroxyle au cours de l’électrolyse alors que l’anolyte devient acide par l’augmentation de la concentration des protons. Ce phénomène ne peut se produire avec une cellule à un seul compartiment, puisque ici les effluents anodiques et cathodiques se neutralisent. Dans le cas de solutions non neutres – catholyte et anolyte séparés –, le transfert d’électron intervient en fonction du pH de H3+ (milieu acide-anode) ou de OH- (milieu basique-cathode). Il y a variation du potentiel d’électrode avec le pH.

La dissociation électrolytique de l’eau réalisée dans des conditions idéales avec un rendement électrique quantitatif pourrait constituer une solution élégante au stockage de l’énergie. La formation d’électricité à partir de H2 et de 2 serait inversement et respectivement l’oxydation et la réduction de ces deux gaz dans des piles (cf. PILES ET ACCUMULATEURS – Les piles à combustibles). Il serait impératif de disposer d’électrodes à faible surtension fonctionnant avec des rendements électriques le plus élevés possible.

Quel potentiel ou quel courant appliquer aux bornes d’un électrolyseur?

Considérons le cas schématique où l’anolyte conducteur est additionné d’un produit à oxyder A et le catholyte additionné d’un produit à réduire C. Les courbes courant-potentiel telles qu’elles sont représentées sur la figure 5 sont, pour les transformations AB à l’anode et CD à la cathode, des fonctions exponentielles. Le transport de matière impliquant A, B, C et D vers et à partir des électrodes où se produisent les conversions n’est pas ici pris en compte pour des courants faibles et des concentrations de A et de C élevées:

i a et i c sont respectivement les courants propres aux réactions anodique et cathodique, [A] et [C] les concentrations des formes à oxyder et à réduire, S et S les surfaces des électrodes, k a 0 et k c 0 des constantes de vitesse de transfert d’électrons, 見 et 廓 des coefficients, compris entre 0 et 1, prenant en compte l’existence d’éventuelles dissymétries dans les énergies d’activation des transferts d’électrons. EA et EC sont les potentiels d’équilibre thermodynamique des couples (B, A) et (C, D). La force contre-électromotrice de l’électrolyseur pour ces deux réactions d’électrode est EA 漣 EC.

Si un courant d’électrolyse i e est appliqué aux bornes de la cellule:

Du fait du passage du courant d’électrolyse i e , l’anode et la cathode prennent respectivement les potentiels EA et EC. Les différences EA 漣 EA et EC 漣 EC (surtensions) sont représentatives des énergies d’activation des réactions aux électrodes en termes cinétiques. De plus, il importe de tenir compte de l’inertie du système au passage des ions au travers de la solution et de la membrane séparatrice. Cela se traduit par l’existence d’un terme généralement appelé la chute ohmique et équivalent au produit i e R, où R est la résistance ohmique de la cellule.

La différence de potentiel entre les deux électrodes prend en compte le courant d’électrolyse i e . Elle est la somme de termes thermodynamique, cinétique et ohmique:

Sur le plan réactionnel, on note que globalement l’électrolyseur permet la transformation de A et C en B et D.

Quand, à l’inverse, un potentiel électrochimique, obtenu grâce à un générateur en opposition, est utilisé comme source d’électricité, il convient de veiller à ce que la f.é.m. du générateur soit au moins égale à E pour obtenir un courant d’électrolyse au moins égal à i e .

Par ailleurs, la diminution de E peut être satisfaite non seulement par l’emploi d’électrolytes peu résistants, mais encore par l’utilisation d’électrodes pour lesquelles la surtension est aussi faible que possible. Certains métaux, ou surfaces convenable ment traitées, permettent même, dans certains cas, d’accélérer la cinétique de transfert d’électron (dans ce cas, k 0 est plus élevée): c’est l’électrocatalyse.

Courant d’électrolyse et loi de Faraday

La conversion électrolytique d’une espèce, selon une réaction électrochimique mettant en jeu n électrons, implique une proportionnalité entre la quantité d’électricité Q nécessaire et la quantité de matière (N molécule) transformée. La constante de proportionnalité F est le faraday, soit 96 487 coulombs/mole:

Le courant d’électrolyse d’une électrode de surface unité peut s’écrire:

Plus généralement, il convient d’introduire, en électrolyse, la densité de courant j (ampère par unité de surface) reliable à la vitesse de la conversion électrolytique. Par exemple, la vitesse peut s’exprimer pour une aire active A de l’électrode exprimée en centimètres carrés:

Pour l’ensemble du volume du compartiment de la cellule, la conversion électrolytique sera d’autant plus rapide que l’apport de matière électroactive par convection vers l’électrode est mieux assuré et que l’électrode a une surface plus importante. Par exemple, certains métaux ou des carbones poreux sont utilisés en raison de leur forte surface utile par unité de masse.

Il est important de définir le rendement électrique qui est souvent fonction, pour une conversion électrolytique donnée, d’un certain nombre de paramètres expérimentaux tels que la géométrie de l’électrolyseur, la nature de l’électrolyte, la surface, la matière des électrodes, le potentiel appliqué, etc. Le rendement électrique tient compte de la nature de la réaction d’électrode et de la sélectivité de cette réaction:

Principales réactions chimiques réalisées par électrolyse

Les principales utilisations de l’électrolyse dans de nombreux domaines de la chimie ou de la métallurgie sont résumées dans la figure 6. L’électrolyseur idéal sera celui où les deux réactions électrochimiques réalisées dans chacun des compartiments seront d’égale importance sur le plan de la stratégie industrielle et de l’impact économique. La dissociation électrolytique de l’eau avec la production simultanée d’oxygène et d’hydrogène a été signalée plus haut. Il convient également de souligner l’intérêt du procédé chlore-soude par électrolyse de saumures de chlorure de sodium. La synthèse électrolytique du chlore (de l’ordre de 40 millions de tonnes par an dans le monde) et de la soude est à la base de la synthèse des solvants organiques chlorés, de l’industrie inorganique et des pâtes et papiers.

La plupart des métaux peuvent être récupérés, raffinés ou produits en grand tonnage par électrolyse. Quand le métal, produit à la cathode par réduction d’un de ses sels, est suffisamment stable à l’eau, les électrolyses peuvent avoir lieu en phase aqueuse conductrice: c’est le procédé de l’hydrométallurgie . En principe, seule la réaction cathodique correspondant au dépôt métallique présente de l’intérêt. Un ajustement correct du potentiel de l’électrode ou de la densité de courant peut permettre le dépôt cathodique sélectif d’un seul métal à partir d’un mélange. Ce principe est utilisé pour le traitement de minerais, de déchets ou de boues de raffinage. Selon certains procédés, l’anode peut être constituée du même métal, mais fortement impur: la réaction anodique correspond alors à une dissolution du métal impur alors que, à la cathode, les conditions de dépôt sélectif du métal sont remplies. C’est un procédé d’affinage, puisque la masse totale des électrodes (anode et cathode) reste sensiblement constante.

L’électrochimie en milieux fondus permet la synthèse des métaux alcalins et alcalino-terreux qui sont les réducteurs clés en synthèse organique. L’aluminium est également formé industriellement par réduction de l’alumine.

L’électrolyse de molécules organiques prend de l’importance soit dans la synthèse sélective de produits à haute valeur ajoutée, soit dans la formation d’électrodépôts: polymères conducteurs et phases organiques organisées et conductrices.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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